La loi de modernisation du marché du travail

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Reprenant les principales mesures d'un accord national interprofessionnel conclu par les partenaires sociaux le 11 janvier dernier, le Parlement vient de voter une loi réformant la réglementation des contrats de travail.

Entre la date de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi « portant modernisation du marché du travail », le 26 mars 2008, et son adoption définitive par le Parlement, il se sera passé moins de 3 mois. Un temps record si on le compare à la durée moyenne nécessaire à l'adoption d'une réforme de même ampleur. Cette rapidité s'explique essentiellement par la nature particulière de cette loi, qui constitue en réalité la transcription du contenu d'un accord collectif de travail négocié en amont par les partenaires sociaux.
Députés et sénateurs ont donc eu à coeur de ne pas dénaturer ce texte en adoptant un nombre restreint d'amendements, notamment pour ce qui concerne ses principales mesures : l'instauration d'une période d'essai légale, la création d'un contrat à durée déterminée (CDD) à objet défini ou encore la sécurisation des ruptures négociées.

Remaniement de la période d'essai

Jusqu'à présent, le Code du travail ne prévoyait la durée d'une période d'essai que pour certaines catégories de contrats de travail (contrats à durée déterminée, notamment). Les règles relatives aux périodes d'essai des contrats à durée indéterminée (CDI) – les plus nombreux – étaient déterminées soit par les conventions collectives, soit directement par les contrats de travail. D'où des pratiques parfois très différentes, selon les secteurs professionnels ou les situations individuelles.
Les choses sont maintenant plus simples puisque le Code du travail fixe une durée maximale pour chaque catégorie professionnelle. Ainsi, une période d'essai ne peut dépasser deux mois pour les ouvriers et employés, trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et quatre mois pour les cadres.

Attention pour être effective, la période d'essai doit figurer en toutes lettres dans le contrat de travail ou la lettre d'engagement. Quant à un éventuel renouvellement de l'essai, il reste possible à condition d'être préalablement autorisé par la convention collective de branche étendue et inscrit dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail du salarié concerné. Ces conditions réunies, la durée totale de l'essai, renouvellement inclus, peut alors atteindre quatre mois pour les ouvriers et employés, six mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et huit mois pour les cadres.

Enfin, la nouvelle loi innove en créant un délai de prévenance. Chaque employeur doit dorénavant informer par avance son salarié de l'interruption de son contrat de travail en cours d'essai. Ce préavis est de :
- 24 heures en deçà de 8 jours de présence?;
- 48 heures entre 8 jours et un mois de présence ;
- deux semaines après un mois de présence?;
- un mois après trois mois de présence.

À noter lorsque c'est le salarié qui met fin à la période d'essai, celui-ci doit également respecter un délai de prévenance vis-à-vis de son employeur. Ce préavis est de 24 heures en deçà de 8 jours de présence et de 48 heures sinon. Le CNE n'est plus La loi portant modernisation du marché du travail a supprimé les contrats « nouvelles embauches?» (CNE), transformant ceux en cours à la date de publication de la loi en CDI classiques. Les parlementaires se sont toutefois souciés du sort des (rares) employeurs ayant encore conclu un CNE peu avant la publication de la loi. C'est pourquoi les CNE récemment conclus comportent automatiquement une période d'essai. La durée de cette période d'essai court à compter de la date de conclusion du CNE (et non de la date de sa requalification). Elle est fixée soit par la convention collective applicable, soit, à défaut, par la loi elle-même (soit 2 mois pour les ouvriers et employés, 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et 4 mois pour les cadres).

Création d'un CDD spécial « cadres et ingénieurs »

La loi crée, à titre expérimental pour 5 ans, un nouveau contrat de travail, appelé «?contrat à durée déterminée à objet défini?», réservé aux cadres et ingénieurs. Ces derniers pourront ainsi être embauchés pour réaliser une mission précise pendant une période, non renouvelable, comprise entre dix-huit et trente-six mois (soit une durée maximale deux fois plus longue qu'un CDD « classique »).

Attention le recours à ce type de CDD devra toutefois avoir été préalablement autorisé par un accord collectif de branche étendu ou un accord d'entreprise.

Le CDD à objet défini se distingue d'un CDD classique à plusieurs égards. D'une part, l'employeur peut y avoir recours, même dans le cadre de son activité normale et permanente, contrairement aux CDD pour lesquels il lui faut mentionner un motif prévu par la loi (accroissement temporaire d'activité ou remplacement d'un salarié absent, par exemple).
D'autre part, ce contrat peut être rompu au bout de 18 mois, puis au 24e mois, en faisant état d'une cause réelle et sérieuse. Une situation bien plus favorable pour l'employeur qui ne peut normalement rompre un CDD qu'en raison d'un cas de force majeure ou d'une faute grave du salarié.

À noter comme n'importe quel salarié en contrat à durée déterminée, le salarié bénéficie d'une indemnité de précarité de 10 % de sa rémunération totale brute et bénéficie d'une indemnisation au titre de l'assurance chômage.

Une rupture du contrat de travail par consentement mutuel

C'est indéniablement la mesure emblématique de cette loi, car elle cherche à offrir plus de souplesse aux entreprises tout en sécurisant la mobilité des salariés. Il faut en effet savoir qu'à l'heure actuelle, quand un salarié et un employeur souhaitent se séparer d'un commun accord, ils ne sont guère incités à le faire, notamment parce que le salarié sait qu'il ne bénéficiera pas de l'assurance chômage. C'est pourquoi un certain nombre d'employeurs et de salariés préfèrent adopter la solution d'un licenciement « fictif », immédiatement suivi d'une transaction.
Pour mettre un terme à cette pratique peu orthodoxe, la loi a donc mis en place une nouvelle procédure de rupture négociée du contrat de travail.

- Côté salarié, ce mode de rupture devient enfin attractif puisque l'indemnité de rupture doit être d'un montant en principe au moins égal à celui de l'indemnité conventionnelle de licenciement si celle-ci est plus favorable que l'indemnité légale. Mieux : cette indemnité ouvre droit à une exonération fiscale et sociale, calquée sur celle existant pour l'indemnité de licenciement. Enfin, le salarié bénéficie désormais des allocations chômage.

- Côté employeur, si la procédure de rupture amiable devient plus contraignante, elle présente l'avantage d'être désormais «?sécurisée?». Car, dès lors qu'employeur et salarié s'engagent à suivre, pas à pas, les différentes étapes de la procédure, ils sont assurés que la rupture ne peut être remise en cause.
- La première étape consiste à permettre au salarié et, éventuellement, à son employeur de se faire assister par une tierce personne. Il peut s'agir, dans les deux cas, d'un salarié de l'entreprise (représentant du personnel pour l'un et cadre dirigeant pour l'autre, par exemple).
- La deuxième étape consiste en la signature de l'accord, formalisé par un écrit. Une fois cet accord signé, chacune des deux parties concernées dispose alors d'un délai de 15 jours pour éventuellement se rétracter.

Précision il s'agit de jours calendaires (c'est-à-dire en comptant tous les jours de la semaine).

- La troisième étape consiste en une homologation de l'accord. Ainsi, à l'issue de ce délai, une demande d'homologation administrative doit être adressée au directeur départemental du Travail qui dispose également de 15 jours pour homologuer ou non l'accord. Sachant – point important – que son silence vaut, de toute façon, homologation au bout de 15 jours.

Attention il s'agit, cette fois, de jours ouvrables (c'est-à-dire en comptant tous les jours de la semaine, sauf les dimanches et jours fériés) et non de jours calendaires.

Dernière précision, l'accord de rupture négociée ainsi que son homologation peuvent éventuellement être contestés devant le conseil de prud'hommes, mais seulement dans un délai de 12 mois. Après, les employeurs peuvent enfin dormir sur leurs deux oreilles !

Références
Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, JO du 26

Publié le lundi 07 juillet 2008 - © Copyright SID Presse - 2008