Le régime fiscal de l'indemnité versée lors de la renégociation d'un prêt immobilier

Vous êtes ici : Accueil / Ressources / Boîte à outils / Textes officiels / Le régime fiscal de l'indemnité versée lors de la renégociation d'un prêt immobilier

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière d'Appartements locatifs, qui exerce une activité de location de locaux nus à usage d'habitation et dont M. AX est associé à hauteur de 50 %, a contracté le 1er avril 1992, pour l'acquisition d'un immeuble locatif, un emprunt auprès du Crédit Agricole d'un capital de 3 200 000 F au taux de 10,10 % ; que ladite société a renégocié le 7 septembre 1994 avec le Crédit Agricole une substitution de prêt afin d'abaisser le taux de financement à 8 % ; qu'en contrepartie, l'établissement bancaire a demandé le versement d'une somme de 75 464 F à titre d'intérêts compensatoires que la société a déduite de son résultat ; qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration après avoir réintégré cette somme aux résultats de ladite société, a rehaussé les revenus fonciers de M. et Mme A de l'année 1994 à hauteur des parts détenues par M. A ; que le Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie se pourvoit en cassation contre l'arrêt en date du 14 avril 2005 de la cour administrative d'appel de Lyon qui a rejeté son recours qui tendait à l'annulation du jugement du 17 août 1999 du tribunal administratif de Dijon en ce qu'il a accordé à M. et Mme A une décharge partielle du complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1994 ;

Considérant qu'aux termes du 1° du I de l'article 31 du Code général des impôts : I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° Pour les propriétés urbaines : d. Les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés ; qu'en vertu de ces dispositions, qui ont un caractère limitatif, seuls peuvent être admis en déduction les intérêts des dettes directement engagées pour les finalités qu'elles prévoient ;

Considérant qu'en jugeant que l'indemnité de résiliation du premier prêt contractuellement prévue lors de sa conclusion par la société civile immobilière d'Appartements locatifs au Crédit Agricole, devait être assimilée à des intérêts déductibles alors que cette somme est versée à l'établissement bancaire prêteur en raison de la résiliation du premier prêt et au titre de la négociation du second prêt et n'a ainsi pas le caractère d'intérêts au sens du 1 du I de l'article 31 du Code général des impôts, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d'État, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le recours du Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie a été enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon dans le délai d'appel de deux mois dont le ministre dispose, à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ledit recours serait tardif ne peut qu'être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, la somme versée à titre d'intérêts compensatoires, lors de la résiliation du premier prêt, préalable à la conclusion du prêt de substitution, par la société civile immobilière d'Appartements locatifs au Crédit Agricole ne peut être regardée comme des intérêts d'une dette directement engagée pour l'acquisition ou la conservation d'une propriété au sens des dispositions précitées du 1 du I de l'article 31 du Code général des impôts ; que par suite, le Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a admis la déduction de cette somme sur ce fondement ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'État, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de M. A :
Considérant qu'aux termes de l'article 13 du Code général des impôts : 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu ( ) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et qu'il n'est pas contesté, que le remboursement anticipé de l'emprunt souscrit initialement et la souscription d'un nouvel emprunt s'y substituant à un taux d'intérêt moins élevé n'ont eu ni pour objet ni pour effet d'accroître la valeur d'actif et qu'elles ont eu ainsi pour finalité la conservation du revenu net foncier de la SCI ; que, par suite, la somme de 75 464 F correspondant à l'indemnité litigieuse versée au Crédit Agricole en compensation de l'octroi du prêt de substitution doit être regardée comme ayant eu le caractère d'une dépense effectuée en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu au sens des dispositions précitées de l'article 13 du Code général des impôts ; que, dès lors, cette somme est déductible des revenus bruts fonciers perçus par la SCI au titre de l'année 1994 ;

Considérant que, par suite, le Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a prononcé la décharge du supplément d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme A au titre de l'année 1994 ;

Décide :
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 14 avril 2005 est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions du recours et les conclusions d'appel du Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique et à M. et Mme Georges A.

Références
Conseil d'État, 5 octobre 2007, n° 281658

Publié le mardi 04 mars 2008 - © Copyright SID Presse - 2008